Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/351

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
347
CORINNE OU L’ITALIE

fasse, beaucoup d’empire sur le bonheur, et ce qu’elle n’approuve pas, il ne faut jamais le faire. — On vivrait donc toujours pour ce que la société dira de nous, reprit Oswald ; et ce qu’on pense et ce qu’on sent ne servirait jamais de guide. S’il en était ainsi, si l’on devait s’imiter constamment les uns les autres, à quoi bon une ame et un esprit pour chacun ? la Providence aurait pu s’épargner ce luxe. — C’est très-bien dit, reprit le comte d’Erfeuil, très-philosophiquement pensé ; mais avec ces maximes-là l’on se perd, et quand l’amour est passé, le blâme de l’opinion reste. Moi qui vous parais léger, je ne ferai jamais rien qui puisse m’attirer la désapprobation du monde. On peut se permettre de petites libertés, d’aimables plaisanteries, qui annoncent de l’indépendance dans la manière de voir, pourvu qu’il n’y en ait pas dans la manière d’agir ; car, quand cela touche au sérieux… — Mais le sérieux, répondit lord Nelvil, c’est l’amour et le bonheur. — Non, non, interrompit le comte d’Erfeuil, ce n’est pas cela que je veux dire ; ce sont de certaines convenances établies qu’il ne faut pas braver, sous peine de passer pour un homme bizarre, pour un homme.... enfin, vous m’entendez, pour un homme qui n’est pas comme les autres. — Lord Nelvil sourit ; et sans hu-