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CORINNE OU L’ITALIE

font ainsi palpiter votre cœur. — Et en achevant ces mots, il alla se placer à l’extrémité de la loge de Corinne, sans attendre sa réponse. Elle fut cruellement troublée de ce qu’il venait de lui dire, et dans l’instant il lui ravit tout le plaisir qu’elle avait trouvé dans ces succès dont elle aimait qu’il fût témoin.

Le concert commença ; qui n’a pas entendu le chant italien, ne peut avoir l’idée de la musique ! Les voix, en Italie, ont cette mollesse et cette douceur qui rappelle et le parfum des fleurs et la pureté du ciel. La nature a destiné cette musique pour ce climat : l’une est comme un reflet de l’autre. Le monde est l’œuvre d’une seule pensée, qui s’exprime sous mille formes différentes. Les Italiens, depuis des siècles, aiment la musique avec transport. Le Dante, dans le poëme du Purgatoire, rencontre un des meilleurs chanteurs de son temps, il lui demande un de ses airs délicieux, et les ames ravies s’oublient en l’écoutant, jusqu’à ce que leur gardien les rappelle. Les Chrétiens comme les Païens ont étendu l’empire de la musique après la mort. De tous les beaux-arts, c’est celui qui agit le plus immédiatement sur l’ame. Les autres la dirigent vers telle ou telle idée, celui-là seul s’adresse à la source intime de l’existence, et change en