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CORINNE OU L’ITALIE

entier la disposition intérieure. Ce qu’on a dit de la grâce divine, qui tout à coup transforme les cœurs, peut, humainement parlant, s’appliquer à la puissance de la mélodie ; et parmi les pressentimens de la vie à venir, ceux qui naissent de la musique ne sont point à dédaigner.

La gaieté même que la musique bouffe sait si bien exciter, n’est point une gaieté vulgaire, qui ne dise rien à l’imagination. Au fond de la joie qu’elle donne, il y a des sensations poétiques, une rêverie agréable que les plaisanteries parlées ne sauraient jamais inspirer. La musique est un plaisir si passager, on le sent tellement s’échapper à mesure qu’on l’éprouve, qu’une impression mélancolique se mêle à la gaieté qu’elle cause. Mais aussi, quand elle exprime la douleur, elle fait encore naître un sentiment doux. Le cœur bat plus vite en l’écoutant ; la satisfaction que cause la régularité de la mesure, en rappelant la brièveté du temps, donne le besoin d’en jouir. Il n’y a plus de vide, il n’y a plus de silence autour de vous, la vie est remplie, le sang coule rapidement, vous sentez en vous-même le mouvement que donne une existence active, et vous n’avez point à craindre,