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CORINNE OU L’ITALIE

prisse ainsi sa perte ! cet esprit si animé, ce cœur si vivant, cette figure si brillante de fraîcheur et de vie, pourraient être frappés par la foudre, et la tombe de la jeunesse serait aussi muette que celle des vieillards ! Ah ! quelle illusion que le bonheur ! Quel moment dérobé à ce temps inflexible qui veille toujours sur sa proie ! Corinne ! Corinne ! il ne fallait pas me quitter ; c’était votre charme qui m’empêchait de réfléchir ; tout se confondait dans ma pensée, ébloui que j’étais par les momens heureux que je passais avec vous ; à présent me voilà seul ; à présent je me retrouve, et toutes mes blessures vont se rouvrir. — Et il appelait Corinne avec une sorte de désespoir, qu’on ne pouvait attribuer à une aussi courte absence, mais à l’angoisse habituelle de son cœur, que Corinne elle seule avait le pouvoir de soulager. La femme de chambre de Corinne rentra : elle avait entendu les gémissemens d’Oswald ; et touchée de ce qu’il regrettait ainsi sa maîtresse, elle lui dit : — Mylord, je veux vous consoler en trahissant un secret de ma maîtresse ; j’espère qu’elle me le pardonnera. Venez dans sa chambre à coucher, vous y verrez votre portrait. — Mon portrait ! s’écria-t-il. — Elle y a travaillé de mémoire, reprit Thérésine (c’était le nom de La