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CORINNE OU L’ITALIE

toutes les ruines de l’ancienne Rome. On voit de là le Colisée, le Forum, tous les arcs de triomphe encore debout, les obélisques, les colonnes. Quel beau site pour un tel asile ! Les solitaires se consolent de n’être rien, en considérant les monumens élevés par tous ceux qui ne sont plus. Oswald se promena long-temps sous les ombrages du jardin de ce couvent, si rares en Italie. Ces beaux arbres interrompent un moment la vue de Rome, comme pour redoubler l’émotion qu’on éprouve en la revoyant. C’était à l’heure de la soirée où l’on entend toutes les cloches de Rome sonner l’Ave Maria :

……squilla di lontano
Che paja il giorno pianger che si muore.
Dante.

et le son de l’airain, dans l’éloignement, paraît plaindre le jour qui se meurt. La prière du soir sert à compter les heures. En Italie l’on dit : Je vous verrai une heure avant, une heure après l’Ave Maria ; et les époques du jour ou de la nuit sont ainsi religieusement désignées. Oswald jouit alors de l’admirable spectacle du soleil, qui vers le soir descend lentement au milieu des ruines, et semble pour un moment se soumettre au déclin comme les ouvrages des hommes. Oswald sentit renaître en lui toutes ses pen-