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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/398

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CORINNE OU L’ITALIE

ce qui n’aurait pas l’homme même pour objet ! Aussi voyez quelle confusion il résulte, dans la tête de votre peuple, de l’habitude où il est d’attacher plus d’importance aux pratiques religieuses qu’aux devoirs de la morale : c’est après la semaine sainte, vous le savez, que se commet à Rome le plus grand nombre de meurtres. Le peuple se croit pour ainsi dire, en fonds par le carême, et dépense en assassinats les trésors de sa pénitence. On a vu des criminels qui, tout dégouttans encore de meurtre, se faisaient scrupule de manger de la viande le vendredi ; et les esprits grossiers, à qui l’on a persuadé que le plus grand des crimes consiste à désobéir aux pratiques ordonnées par l’église, épuisent leur conscience sur ce sujet, et considèrent la divinité comme les gouvernemens du monde, qui font plus de cas de la soumission à leur pouvoir, que de toute autre vertu : ce sont des rapports de courtisan mis à la place du respect qu’inspire le Créateur, comme la source et la récompense d’une vie scrupuleuse et délicate. Le catholicisme italien, tout en démonstrations extérieures, dispense l’ame de la méditation et du recueillement. Quand le spectacle est fini, l’émotion cesse, le devoir est rempli ; et l’on n’est pas, comme chez nous, long-temps ab-