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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/68

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CORINNE OU L’ITALIE

beau ciel, à côté de tant d’urnes funéraires, poursuivent moins les esprits effrayés. On se croit attendu par la foule des ombres, et, de notre ville solitaire à la ville souterraine, la transition semble assez douce.

Ainsi la pointe de la douleur est émoussée, non que le cœur soit blasé, non que l’ame soit aride, mais une harmonie plus parfaite, un air plus odoriférant, se mêlent à l’existence. On s’abandonne à la nature avec moins de crainte, à cette nature dont le créateur a dit : Les lis ne travaillent ni ne filent, et cependant quels vêtemens des rois pourraient égaler la magnificence dont j’ai revêtu ces fleurs ! »

Oswald fut tellement ravi par ces dernières strophes, qu’il exprima son admiration par les témoignages les plus vifs ; et cette fois les transports des Italiens eux-mêmes n’égalèrent pas les siens. En effet, c’était à lui plus qu’aux Romains que la seconde improvisation de Corinne était destinée.

La plupart des Italiens ont, en lisant les vers, une sorte de chant monotone, appelé cantilene, qui détruit toute émotion[1]. C’est en vain que les paroles sont diverses, l’impression reste la même, puisque l’accent, qui est encore plus

  1. Il faut excepter de ce blâme, sur la manière de déclamer des Italiens, d’abord le célèbre Monti, qui dit les vers comme il les fait. C’est véritablement un des plus grands plaisirs dramatiques que l’on puisse éprouver, que de l’entendre réciter l’épisode d’Ugolin, de Francesca di Rimini, la mort de Clorinde, etc.