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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/69

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CORINNE OU L’ITALIE

intime que les paroles, ne change presque point. Mais Corinne récitait avec une variété de tons qui ne détruisait pas le charme soutenu de l’harmonie ; c’étaient comme des airs différens joués tous par un instrument céleste.

Le son de voix touchant et sensible de Corinne, en faisant entendre cette langue italienne si pompeuse et si sonore, produisit sur Oswald une impression tout à fait nouvelle. La prosodie anglaise est uniforme et voilée ; ses beautés naturelles sont toutes mélancoliques ; les nuages ont formé ses couleurs, et le bruit des vagues sa modulation ; mais quand ces paroles italiennes, brillantes comme un jour de fête, retentissantes comme les instrumens de victoire que l’on a comparés à l’écarlate parmi les couleurs ; quand ces paroles, encore toutes empreintes des joies qu’un beau climat répand dans tous les cœurs, sont prononcées par une voie émue, leur éclat adouci, leur force concentrée, fait éprouver un attendrissement aussi vif qu’imprévu. L’intention de la nature semble trompée, ses bienfaits inutiles, ses offres repoussées, et l’expression de la peine, au milieu de tant de jouissances, étonne et touche plus profondément que la douleur chantée dans les langues du nord qui semblent inspirées par elle.