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CORINNE OU L’ITALIE

bruit des timbales et des fanfares émut de nouveau Corinne ; ses yeux se remplirent de larmes, elle s’assit un moment, et couvrit son visage de son mouchoir. Oswald, vivement touché, sortit de la foule, et fit quelques pas pour lui parler, mais un invincible embarras le retint. Corinne le regarda quelque temps, en prenant garde néanmoins qu’il ne remarquât qu’elle faisait attention à lui ; mais lorsque le prince Castel-Forte vint prendre sa main pour l’accompagner du Capitole à son char, elle se laissa conduire avec distraction, et retourna la tête plusieurs fois, sous divers prétextes, pour revoir Oswald.

Il la suivit ; et, dans le moment où elle descendait l’escalier, accompagnée de son cortège, elle fit un mouvement en arrière pour l’apercevoir encore : ce mouvement fit tomber sa couronne. Oswald se hâta de la relever, et lui dit en la lui rendant quelques mots en italien, qui signifiaient que les humbles mortels mettaient aux pieds des dieux la couronne qu’ils n’osaient placer sur leurs têtes [1]. Corinne remercia lord Nelvil, en anglais, avec ce pur accent national, ce pur accent insulaire qui presque jamais ne peut être imité sur le continent. Quel fut l’étonnement d’Oswald en l’entendant ! Il resta d’a-

  1. Il paraît que lord Nelvil faisait allusion à ce beau distique de Properce :
    Ut caput in magnis ubi non est ponere signis,
    Ponitur hic imos ante corona pedes.