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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/73

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CORINNE OU L’ITALIE

mobiles, mais incapables d’éprouver des affections profondes et durables. Déjà ce que Corinne avait dit au Capitole lui avait inspiré toute une autre idée ; que serait-ce donc s’il pouvait à la fois retrouver les souvenirs de sa patrie, et recevoir par l’imagination une vie nouvelle, renaître pour l’avenir sans rompre avec le passé !

Au milieu de ses rêveries, Oswald se trouva sur le pont Saint-Ange, qui conduit au château du même nom, ou plutôt au tombeau d’Adrien, dont on a fait une forteresse. Le silence du lieu, les pâles ondes du Tibre, les rayons de la lune qui éclairaient les statues placées sur le pont, et faisaient de ces statues comme des ombres blanches regardant fixement couler et les flots et le temps qui ne les concernent plus ; tous ces objets le ramenèrent à ses idées habituelles. Il mit la main sur sa poitrine, et sentit le portrait de son père qu’il y portait toujours, il l’en détacha pour le considérer, et le moment de bonheur qu’il venait d’éprouver, et la cause de ce bonheur ne lui rappelèrent que trop le sentiment qui l’avait rendu jadis si coupable envers son père ; cette réflexion renouvela ses remords.

— Éternel souvenir de ma vie, s’écria-t-il, ami trop offensé et pourtant si généreux ! Au-