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CORINNE OU L’ITALIE

l’usage du monde n’apprennent pas, et, sans manquer à la plus parfaite politesse, on blesse souvent le cœur.

Lord Nelvil fut très-agité tout le jour en pensant à la visite du soir ; mais il écarta, tant qu’il le put, les réflexions qui le troublaient, et tâcha de se persuader qu’il pouvait y avoir du plaisir dans un sentiment, sans que ce sentiment décidât du sort de la vie. Fausse sécurité ! car l’ame ne reçoit aucun plaisir de ce qu’elle reconnaît elle-même pour passager.

Lord Nelvil et le comte d’Erfeuil arrivèrent chez Corinne ; sa maison était placée dans le quartier des Transtéverins, un peu au-delà du château Saint-Ange. La vue du Tibre embellissait cette maison, ornée dans l’intérieur avec l’élégance la plus parfaite. Le salon était décoré par les copies, en plâtre, des meilleures statues de l’Italie, la Niobé, le Laocoon, la Vénus de Médicis, le Gladiateur mourant ; et dans le cabinet où se tenait Corinne, l’on voyait des instrumens de musique, des livres, un ameublement simple, mais commode, et seulement arrangé pour rendre la conversation facile et le cercle resserré. Corinne n’était point encore dans son cabinet lorsqu’Oswald arriva ; en l’attendant, il se promenait avec anxiété dans son apparte-