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CORINNE OU L’ITALIE

et se plaignit avec douceur de ce qu’elle ne lui parlait pas en anglais. — Vous suis-je, ajouta-t-il, plus étranger qu’hier ? — Non, assurément, lui répondit Corinne ; mais, quand on a comme moi parlé plusieurs années de sa vie deux ou trois langues différentes, l’une ou l’autre est inspirée par les sentimens que l’on doit exprimer. — Sûrement, dit Oswald, l’anglais est votre langue naturelle, celle que vous parlez a vos amis, celle… — Je suis Italienne, interrompit Corinne, pardonnez-moi, milord, mais il me semble que je retrouve en vous cet orgueil national qui caractérise souvent vos compatriotes. Dans ce pays, nous sommes plus modestes, nous ne sommes ni contens de nous comme des Français, ni fiers de nous comme des Anglais. Un peu d’indulgence nous suffit de la part des étrangers ; et comme il nous est refusé depuis long-temps d’être une nation, nous avons le grand tort de manquer souvent, comme individus, de la dignité qui ne nous est pas permise comme peuple ; mais quand vous connaîtrez les Italiens, vous verrez qu’ils ont dans leur caractère quelques traces de la grandeur antique, quelques traces rares, effacées, mais qui pourraient reparaître dans des temps