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CORINNE OU L’ITALIE

terrogée sur ma destinée ; ils ont compris d’abord qu’il m’était pénible d’en parler. — Ces paroles mirent un terme aux questions du comte d’Erfeuil ; mais Corinne eut peur de l’avoir blessé, et comme il avait l’air d’être très-lié avec lord Nelvil, elle craignit encore plus, sans vouloir s’en rendre raison, qu’il ne parlât d’elle désavantageusement à son ami, et elle se remit à prendre assez de soin pour lui plaire.

Le prince Castel-Forte arriva dans ce moment, avec plusieurs Romains de ses amis et de ceux de Corinne. C’étaient des hommes d’un esprit aimable et gai, très-bienveillans dans leurs formes, et si facilement animés par la conversation des autres, qu’on trouvait un vif plaisir à leur parler, tant ils sentaient vivement ce qui méritait d’être senti. L’indolence des Italiens les porte à ne point montrer en société, ni souvent d’aucune manière, tout l’esprit qu’ils ont. La plupart d’entre eux ne cultivent pas même dans la retraite les facultés intellectuelles que la nature leur a données ; mais ils jouissent avec transport de ce qui leur vient sans peine.

Corinne avait beaucoup de gaieté dans l’esprit. Elle apercevait le ridicule avec la sagacité d’une Française, et le peignait avec l’imagination d’une