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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/90

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CORINNE OU L’ITALIE

héros de plus attendrissant que le récit même ? — Elle a pleuré ! s’écria lord Nelvil ; ah ! que n’étais-je là ? — Puis s’arrêtant tout à coup, il baissa les yeux, et son visage mâle exprima la timidité la plus délicate ; il se hâta de reprendre la parole, de peur que le comte d’Erfeuil ne troublât sa joie secrète en la remarquant. — Si l’aventure d’Ancone mérite d’être racontée, dit Oswald, c’est à vous aussi, mon cher comte, que l’honneur en appartient. — On a bien parlé, répondit le comte d’Erfeuil en riant, d’un Français très-aimable qui était là, milord, avec vous ; mais personne que moi n’a fait attention à cette parenthèse du récit. La belle Corinne vous préfère, elle vous croit sans doute le plus fidèle de nous deux ; vous ne le serez peut-être pas davantage, peut-être même lui ferez-vous plus de chagrin que je ne lui en aurais fait ; mais les femmes aiment la peine, pourvu qu’elle soit bien romanesque : ainsi vous lui convenez. — Lord Nelvil souffrait à chaque mot du comte d’Erfeuil ; mais que lui dire ? Il ne disputait jamais ; il n’écoutait jamais assez attentivement pour changer d’avis : ses paroles une fois lancées, il ne s’y intéressait plus ; et le mieux était encore de les oublier, si on le pouvait, aussi vite que lui-même.