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CORINNE OU L’ITALIE

jeune : il avait beaucoup d’esprit, un grand goût pour les arts, une imagination aussi animée qu’il le fallait pour diversifier la vie sans l’agiter, et un tel besoin de passer toutes ses soirées avec Corinne, que, si elle se fut mariée, il aurait conjuré son époux de le laisser venir tous les jours chez elle, comme de coutume ; et à cette condition il n’eût pas été très-malheureux de la voir liée à un autre. Les chagrins du cœur en Italie ne sont point compliqués par les peines de la vanité, de manière que l’on y rencontre, ou des hommes assez passionnés pour poignarder leur rival par jalousie, ou des hommes assez modestes pour prendre volontiers le second rang auprès d’une femme dont l’entretien leur est agréable ; mais l’on n’en trouverait guère qui, par la crainte de passer pour dédaignés, se refusassent à conserver une relation quelconque qui leur plairait : l’empire de la société sur l’amour-propre est presque nul dans ce pays.

Le comte d’Erfeuil et la société qui se rassemblait tous les soirs chez Corinne étant réunis, la conversation se dirigea sur le talent d’improviser que Corinne avait si glorieusement montré au Capitole, et l’on en vint à lui demander à elle-même ce qu’elle en pensait. — C’est une chose si rare, dit le prince