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CORINNE OU L’ITALIE

Il se leva donc tout à coup, et s’avança vers la fenêtre ; puis il sentit que Corinne ne pourrait expliquer ce mouvement ; et, plus déconcerté que jamais, il revint à sa place sans rien dire. Corinne avait en conversation plus d’assurance qu’Oswald ; néanmoins l’embarras qu’il témoignait était partagé par elle ; et dans sa distraction, cherchant une contenance, elle posa ses doigts sur la harpe qui était placée à côté d’elle, et fit quelques accords sans suite et sans dessein. Ces sons harmonieux, en accroissant l’émotion d’Oswald, semblaient lui inspirer un peu plus de hardiesse. Déjà il avait osé regarder Corinne : eh ! qui pouvait la regarder sans être frappé de l’inspiration divine qui se peignait dans ses yeux ? Et rassuré, au même instant, par l’expression de bonté qui voilait l’éclat de ses regards, peut-être Oswald allait-il parler, lorsque le prince Castel-Forte entra.

Il ne vit pas sans peine lord Nelvil tête à tête avec Corinne ; mais il avait l’habitude de dissimuler ses impressions ; cette habitude, qui se trouve souvent réunie chez les Italiens avec une grande véhémence de sentimens, était plutôt en lui le résultat de l’indolence et de la douceur naturelle. Il était résigné à n’être pas le premier objet des affections de Corinne ; il n’était plus