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CORINNE OU L’ITALIE

s’est formé. Il est donc plus aisé en Italie que partout ailleurs de séduire avec des paroles sans profondeur dans les pensées, et sans nouveauté dans les images. La poésie, comme tous les beaux arts, captive autant les sensations que l’intelligence. J’ose dire cependant que je n’ai jamais improvisé sans qu’une émotion vraie ou une idée que je croyais nouvelle ne m’ait animée, j’espère donc que je me suis un peu moins fiée que les autres à notre langue enchanteresse. Elle peut pour ainsi dire préluder au hasard, et donner encore un vif plaisir seulement par le charme du rhythme et de l’harmonie.

— Vous croyez donc, interrompit un des amis de Corinne, que le talent d’improviser fait du tort à notre littérature ; je le croyais aussi avant de vous avoir entendue, mais vous m’avez fait entièrement revenir de cette opinion. — J’ai dit, reprit Corinne, qu’il résultait de cette facilité, de cette abondance littéraire, une très-grande quantité de poésies communes ; mais je suis bien aise que cette fécondité existe en Italie, comme il me plaît de voir nos campagnes couvertes de mille productions superflues. Cette libéralité de la nature m’enorgueillit. J’aime surtout l’improvisation dans les gens du peuple, elle nous fait voir leur imagination, qui est ca-