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CORINNE OU L’ITALIE.

Cicéron succomba sous le poignard des tyrans. Scipion, plus malheureux, fut banni par son pays encore libre. Il termina ses jours non loin de cette rive, et les ruines de son tombeau sont appelées la Tour de la patrie. Touchante allusion au souvenir dont sa grande ame fut occupée !

Marius s’est réfugié dans ces marais de Minturnes, près de la demeure de Scipion. Ainsi, dans tous les temps, les nations ont persécuté leurs grands hommes ; mais ils sont consolés par l’apothéose, et le ciel où les Romains croyaient commander encore reçoit parmi ses étoiles Romulus, Numa, César : astres nouveaux qui confondent à nos regards les rayons de la gloire et la lumière céleste. Ce n’est pas assez des malheurs. La trace de tous les crimes est ici. Voyez, à l’extrémité du golfe, l’île de Caprée, où la vieillesse a désarmé Tibère ; où cette ame à la fois cruelle et voluptueuse, violente et fatiguée, s’ennuya même du crime, et voulut se plonger dans les plaisirs les plus bas, comme si la tyrannie ne l’avait pas encore assez dégradée.

Le tombeau d’Agrippine est sur ces bords, en face de l’île de Caprée ; il ne fut élevé qu’après la mort de Néron : l’assassin de sa