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CORINNE OU L’ITALIE.

blables : l’on prenait le thé, l’on jouait au whist, et les femmes vieillissaient en faisant toujours la même chose, en restant toujours à la même place : le temps était bien sûr de ne pas les manquer, il savait où les prendre.

Il y a dans les plus petites villes d’Italie un théâtre, de la musique, des improvisateurs, beaucoup d’enthousiasme pour la poésie et les arts, un beau soleil ; enfin, on y sent qu’on vit ; mais je l’oubliais tout-à-fait dans la province que j’habitais, et j’aurais pu, ce me semble, envoyer à ma place une poupée légèrement perfectionnée par la mécanique, elle aurait très-bien rempli mon emploi dans la société. Comme il y a partout, en Angleterre, des intérêts de divers genres qui honorent l’humanité, les hommes, dans quelque retraite qu’ils vivent, ont toujours les moyens d’occuper dignement leur loisir ; mais l’existence des femmes, dans le coin isolé de la terre que j’habitais, était bien insipide. Il y en avait quelques-unes qui, par la nature et la réflexion, avaient développé leur esprit, et j’avais découvert quelques accens, quelques regards, quelques mots dits à voix basse, qui sortaient de la ligne commune ; mais la petite opinion du petit pays, toute-puissante dans son petit cercle, étouffait entièrement ces germes : on aurait eu