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CORINNE OU L’ITALIE.

l’air d’une mauvaise tête, d’une femme de vertu douteuse, si l’on s’était livré à parler, à se montrer de quelque manière ; et ce qui était pis que tous les inconvéniens, il n’y avait aucun avantage.

D’abord j’essayai de ranimer cette société endormie : je leur proposai de lire des vers, de faire de la musique. Une fois, le jour était pris pour cela ; mais tout à coup une femme se rappela qu’il y avait trois semaines qu’elle était invitée à souper chez sa tante ; une autre qu’elle était en deuil d’une vieille cousine qu’elle n’avait jamais vue et qui était morte depuis plus de trois mois ; une autre, enfin, que dans son ménage il y avait des arrangemens domestiques à prendre : tout cela était très-raisonnable ; mais ce qui était toujours sacrifié, c’étaient les plaisirs de l’imagination et de l’esprit, et j’entendais si souvent dire : cela ne se peut pas, que parmi tant de négations, ne pas vivre, m’eût encore semblé la meilleure de toutes.

Moi-même, après m’être débattue quelque temps, j’avais renoncé à mes vaines tentatives, non que mon père me les interdît, il avait même engagé ma belle-mère à ne pas me tourmenter à cet égard ; mais les insinuations, mais les regards à la dérobée, pendant que je