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CORINNE OU L’ITALIE.

m’enivra de bonheur, et d’abord je ne conçus pas la possibilité d’une objection. Cependant, quand ma fièvre d’espérance fut un peu calmée, j’eus peur de cette résolution irréparable ; et me représentant ce qu’en penseraient tous ceux que je connaissais, le projet que j’avais d’abord trouvé si facile me sembla tout-à-fait impraticable ; mais néanmoins l’image de cette vie au milieu de tous les souvenirs de l’antiquité, de la peinture, de la musique, s’était offerte à moi avec tant de détails et de charmes, que j’avais pris un nouveau dégoût pour mon ennuyeuse existence.

Mon talent que j’avais craint de perdre s’était accru par l’étude suivie que j’avais faite de la littérature anglaise ; la manière profonde de penser et de sentir qui caractérise vos poètes avait fortifié mon esprit et mon ame, sans que j’eusse rien perdu de l’imagination vive qui semble n’appartenir qu’aux habitans de nos contrées. Je pouvais donc me croire destinée à des avantages particuliers par la réunion des circonstances rares qui m’avaient donné une double éducation, et, si je puis m’exprimer ainsi, deux nationalités différentes. Je me souvenais de l’approbation qu’un petit nombre de bons juges avaient accordée dans Florence à mes premiers