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CORINNE OU L’ITALIE.

déjà presque sentir, et il y a je ne sais quoi de Numide dans les cris sauvages qu’on entend de toutes parts. Ces visages brunis, ces vêtemens formés de quelques morceaux d’étoffe rouge ou violette, dont la couleur foncée attire les regards ; ces lambeaux d’habillemens, que ce peuple artiste drape encore avec art, donnent quelque chose de pittoresque à la populace, tandis qu’ailleurs l’on ne peut voir en elle que les misères de la civilisation. Un certain goût pour la parure et les décorations se trouve souvent, à Naples, à côté du manque absolu des choses nécessaires ou commodes. Les boutiques sont ornées agréablement avec des fleurs et des fruits. Quelques-unes ont un air de fête qui ne tient ni à l’abondance ni à la félicité publique, mais seulement à la vivacité de l’imagination ; on veut réjouir les yeux avant tout. La douceur du climat permet aux ouvriers, en tout genre, de travailler dans la rue. Les tailleurs y font des habits, les traiteurs leurs repas, et les occupations de la maison se passant ainsi au dehors, multiplient le mouvement de mille manières. Les chants, les danses, des jeux bruyans accompagnent assez bien tout ce spectacle ; et il n’y a point de pays où l’on sente plus clairement la différence de l’amusement au bonheur ; enfin,