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CORINNE OU L’ITALIE.

les suffrages mêmes des indifférens étaient l’objet de mon ambition ; mais à présent je ne me soucie de rien, et ce n’est pas le bonheur qui m’a détachée de ces vains plaisirs, c’est un profond découragement. Je ne vous en accuse pas, il vient de moi, peut-être en triompherai-je ! Il se passe tant de choses au fond de l’ame que nous ne pouvons ni prévoir, ni diriger ; mais je vous rends justice, Oswald, vous souffrez de ma peine, je le vois. J’ai aussi pitié de vous, pourquoi ce sentiment ne nous conviendrait-il pas à tous les deux ? Hélas, il peut s’adresser à tout ce qui respire sans commettre beaucoup d’erreurs.

Oswald n’était pas alors moins malheureux que Corinne : il l’aimait vivement ; mais son histoire l’avait blessé dans sa manière de penser et dans ses affections : il lui semblait voir clairement que son père avait tout prévu, tout jugé d’avance pour lui, et que c’était mépriser ses avertissemens que de prendre Corinne pour épouse : cependant il ne pouvait y renoncer et se trouvait replongé dans les incertitudes dont il espérait sortir en connaissant le sort de son amie. Elle, de son côté, n’avait pas toujours souhaité le lien du mariage avec Oswald ; et si elle s’était crue certaine qu’il ne la