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CORINNE OU L’ITALIE.

quitterait jamais, elle n’aurait eu besoin de rien de plus pour être heureuse ; mais elle le connaissait assez pour savoir qu’il ne concevait le bonheur que dans la vie domestique, et que s’il abjurait le dessein de l’épouser, ce ne pouvait jamais être qu’en l’aimant moins. Le départ d’Oswald pour l’Angleterre lui paraissait un signal de mort ; elle savait combien les mœurs et les opinions de ce pays avaient d’influence sur lui ; c’est en vain qu’il formait le projet de passer sa vie avec elle en Italie ; elle ne doutait point qu’en se retrouvant dans sa patrie, l’idée de la quitter une seconde fois ne lui devînt odieuse. Enfin elle sentait que tout son pouvoir venait de son charme, et qu’est-ce que ce pouvoir en absence ? qu’est-ce que les souvenirs de l’imagination lorsque l’on est cerné de toutes parts par la force et la réalité d’un ordre social, d’autant plus dominateur, qu’il est fondé sur des idées nobles et pures ?

Corinne, tourmentée par ces réflexions, aurait souhaité d’exercer quelque empire sur son sentiment pour Oswald. Elle tâchait de s’entretenir avec le prince Castel-Forte sur les objets qui l’avaient toujours intéressée, la littérature et les beaux-arts ; mais lorsque Oswald entrait dans la chambre, la dignité de son maintien, un regard mélancolique qu’il jetait sur Corinne et qui