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CORINNE OU L’ITALIE.

ils, dans un de ces couvens au milieu de la mer. L’usage est chez nous qu’à l’instant ou les femmes prononcent les vœux religieux elles jettent derrière elles un bouquet de fleurs qu’elles portaient pendant la cérémonie. C’est le signe du renoncement au monde ; et les coups de canon que vous venez d’entendre annonçaient ce moment comme nous sommes entrés dans Venise. Ces paroles firent frissonner Corinne. Oswald sentit ses mains froides dans les siennes, et une pâleur mortelle couvrait son visage. — Chère amie, lui dit-il, comment recevez-vous une si vive impression par le hasard le plus simple ? — Non, dit Corinne, cela n’est pas simple, croyez-moi, les fleurs de la vie sont pour toujours jetées derrière moi. — Quand je t’aime plus que jamais, interrompit Oswald, quand toute mon ame est à toi… — Ces foudres de guerre, continua Corinne, dont le bruit annonce ailleurs ou la victoire ou la mort, sont ici consacrés à célébrer l’obscur sacrifice d’une jeune fille. C’est un innocent emploi de ces armes terribles qui bouleversent le monde. C’est un avis solennel qu’une femme résignée donne aux femmes qui luttent encore contre le destin. —