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CORINNE OU L’ITALIE.

Corinne et Oswald allèrent voir ensemble la salle où les Deux-cents se rassemblaient alors ; elle est entourée des portraits de tous les Doges ; mais à la place du portrait de celui qui fut décapité comme traître à sa patrie, on a peint un rideau noir sur lequel est écrit le jour de sa mort et le genre de son supplice. Les habits royaux et magnifiques dont les images des autres Doges sont revêtus ajoutent à l’impression de ce terrrible rideau noir. Il y a dans cette salle un tableau qui représente le jugement dernier, et un autre le moment où le plus puissant des empereurs, Frédéric Barberousse, s’humilia devant le sénat de Venise. C’est une belle idée que de réunir ainsi tout ce qui doit exalter la fierté d’un gouvernement sur la terre, et courber cette même fierté devant le ciel. Corinne et lord Nelvil allèrent voir l’arsenal. Il y a devant la porte de l’arsenal deux lions sculptés en Grèce, puis transportés du port d’Athènes pour être les gardiens de la puissance vénitienne ; immobiles gardiens qui ne défendent que ce qu’on respecte. L’arsenal est rempli des trophées de la marine ; la fameuse cérémonie des noces du Doge avec la mer Adriatique, toutes les institutions de Venise enfin, attestaient leur reconnaissance pour la mer. Ils ont, à cet égard,