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CORINNE OU L’ITALIE.

mée, et elle soupirait. Heureusement pour elle Oswald ne s’en aperçut pas ; au contraire, en la voyant assise au milieu des femmes anglaises, ses paupières noires, baissées comme leurs paupières blondes, et se conformant en tout à leurs manières, il éprouva un grand sentiment de joie. C’est en vain qu’un Anglais se plaît un moment aux mœurs étrangères, son cœur revient toujours aux premières impressions de sa vie. Si vous interrogez des Anglais voguant sur un vaisseau à l’extrémité du monde, et que vous leur demandiez où ils vont, ils vous répondront : — chez nous — (home), si c’est en Angleterre qu’ils retournent. Leurs vœux, leurs sentimens, à quelque distance qu’ils soient de leur patrie, sont toujours tournés vers elle.

L’on descendit entre les deux premiers ponts pour écouter le service divin, et Corinne s’aperçut bientôt que son idée était sans nul fondement, et que lord Nelvil n’avait point le projet solennel qu’elle lui avait d’abord supposé. Alors elle se reprocha de l’avoir craint, et sentit renaître en elle l’embarras de sa situation, car tout ce qui était là ne doutait pas qu’elle ne fut la femme de lord Nelvil, et elle n’avait pas eu la force de dire un mot qui pût détruire ou confirmer cette idée. Oswald souffrait aussi