Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/262

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
258
CORINNE OU L’ITALIE.

vous ne le pouvez pas : il faut avoir pitié de l’amour que vous m’avez inspiré, il le faut. —

— Arrête ! s’écria lord Nelvil, c’en est trop. — Et faisant signe à Thérésine de s’éloigner, il prit Corinne dans ses bras, et lui dit : — Je suis décidé à rester : tu feras de moi ce que tu voudras. Je subirai ce que le ciel me destine, mais je ne t’abandonnerai point dans ce malheur, et je ne te conduirai point en Angleterre, avant d’y avoir assuré ton sort. Je ne t’y laisserai point exposée aux insultes d’une femme hautaine. Je reste ; oui, je reste, car je ne puis te quitter. — Ces paroles rappelèrent Corinne à elle-même, mais la jetèrent dans un abattement plus cruel encore que le désespoir qu’elle venait d’éprouver. Elle sentit la nécessité qui pesait sur elle, et, la tête baissée, elle resta long-temps dans un profond silence. — Parle, chère amie, lui dit Oswald, fais-moi donc entendre le son de ta voix ; je n’ai plus qu’elle pour me soutenir. Je veux me laisser guider par elle. — Non, répondit Corinne, non, vous partirez, il le faut. — Et des torrens de pleurs annoncèrent sa résignation. — Mon amie, s’écria lord Nelvil, je prends à témoin ce portrait de ton père, qui est là devant nos yeux ; et tu sais si le nom d’un père est sacré pour moi ! Je le prends à témoin que