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CORINNE OU L’ITALIE.

Lucile répétait tous les jours cette prière. Mais ce soir-là, en présence d’Oswald, elle fut plus touchée que de coutume, et des larmes tombèrent de ses yeux avant qu’elle en eût fini la lecture et qu’elle pût, couvrant son visage de ses mains, dérober ses pleurs à tous les regards. Mais Oswald les avait vus couler ; et un attendrissement mêlé de respect remplissait son cœur : il contemplait cet air de jeunesse qui tenait de si près à l’enfance, ce regard qui semblait conserver encore le souvenir récent du ciel. Un visage aussi charmant, au milieu de ces visages qui peignaient tous la vieillesse ou la maladie, semblait l’image de la pitié divine. Lord Nelvil réfléchissait à cette vie si austère et si retirée que Lucile avait menée, à cette beauté sans pareille, privée ainsi de tous les plaisirs comme de tous les hommages du monde, et son ame fut pénétrée de l’émotion la plus pure. La mère aussi de Lucile méritait le respect et l’obtenait. C’était une personne plus sévère encore pour elle-même que pour les autres. Les bornes de son esprit devaient être attribuées plutôt à l’extrême rigueur de ses principes qu’à un défaut d’intelligence naturelle ; et au milieu de tous les liens qu’elle s’était imposés, de toute