Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
285
CORINNE OU L’ITALIE.

sa roideur acquise et naturelle, il y avait une passion pour sa fille d’autant plus profonde que l’âpreté de son caractère venait d’une sensibilité réprimée, et donnait une nouvelle force à l’unique affection qu’elle n’avait pas étouffée.

À dix heures du soir le plus profond silence régnait dans la maison. Oswald put réfléchir à son aise sur la journée qui venait de se passer. Il ne s’avouait point à lui-même que Lucile avait fait impression sur son cœur. Peut-être cela n’était-il pas même encore vrai ; mais, bien que Corinne enchantât l’imagination de mille manières, il y avait pourtant un genre d’idées, un son musical, s’il est permis de s’exprimer ainsi, qui ne s’accordait qu’avec Lucile. Les images du bonheur domestique s’unissaient plus facilement à la retraite de Northumberland qu’au char triomphant de Corinne : enfin Oswald ne pouvait se dissimuler que Lucile était la femme que son père aurait choisie pour lui ; mais il aimait Corinne ; mais il en était aimé : il avait fait serment de ne jamais former d’autres liens, c’en était assez pour persister dans le dessein de déclarer le lendemain à lady Edgermond qu’il voulait épouser Corinne. Il s’endormit en pensant à l’Italie ; et néanmoins,