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CORINNE OU L’ITALIE.

du monde la plus justement célèbre par ses admirables talens en tout genre, la dédaigneriez-vous toujours ? — Également, reprit lady Edgermond, je ne fais aucun cas des talens qui détournent une femme de ses véritables devoirs. Il y a des actrices, des musiciens, des artistes enfin pour amuser le monde ; mais pour des femmes de notre rang, la seule destinée convenable, c’est de se consacrer à son époux et de bien élever ses enfans. — Quoi ! reprit lord Nelvil, ces talens qui viennent de l’ame, et ne peuvent exister sans le caractère le plus élevé, sans le cœur le plus sensible, ces talens qui sont unis à la bonté la plus touchante, au cœur le plus généreux, vous les blâmeriez, parce qu’ils étendent la pensée, parce qu’ils donnent à la vertu même un empire plus vaste, une influence plus générale. — À la vertu ? reprit lady Edgermond avec un sourire amer ; je ne sais pas bien ce que vous entendez par ce mot ainsi appliqué. La vertu d’une personne qui s’est enfuie de la maison paternelle, la vertu d’une personne qui s’est établie en Italie, menant la vie la plus indépendante, recevant tous les hommages, pour ne rien dire de plus, donnant un exemple plus pernicieux encore pour les autres, que pour elle-même, abdiquant son rang, sa famille, le propre nom de son père……