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CORINNE OU L’ITALIE.


CHAPITRE VI.


CORINNE, depuis quinze jours, ressentait l’anxiété la plus cruelle : chaque matin elle hésitait si elle écrirait à lord Nelvil pour lui apprendre où elle était, et chaque soir se passait dans l’inexprimable douleur de le savoir chez Lucile. Ce qu’elle souffrait le soir la rendait plus timide pour le lendemain. Elle rougissait d’apprendre à celui qui ne l’aimait peut-être plus la démarche inconsidérée qu’elle avait faite pour lui. — Peut-être, se disait-elle souvent, tous les souvenirs d’Italie sont-ils effacés de sa mémoire ? Peut-être n’a-t-il plus besoin de trouver dans les femmes un esprit supérieur, un cœur passionné ? Ce qui lui plaît à présent, c’est l’admirable beauté de seize ans, l’expression angélique de cet âge, l’ame timide et neuve qui consacre à l’objet de son choix les premiers sentimens qu’elle ait jamais éprouvés. —

L’imagination de Corinne était tellement