CORINNE, depuis quinze jours, ressentait
l’anxiété la plus cruelle : chaque matin elle hésitait
si elle écrirait à lord Nelvil pour lui apprendre
où elle était, et chaque soir se passait
dans l’inexprimable douleur de le savoir chez
Lucile. Ce qu’elle souffrait le soir la rendait plus
timide pour le lendemain. Elle rougissait d’apprendre
à celui qui ne l’aimait peut-être plus
la démarche inconsidérée qu’elle avait faite pour
lui. — Peut-être, se disait-elle souvent, tous les
souvenirs d’Italie sont-ils effacés de sa mémoire ?
Peut-être n’a-t-il plus besoin de trouver dans
les femmes un esprit supérieur, un cœur passionné ?
Ce qui lui plaît à présent, c’est l’admirable
beauté de seize ans, l’expression angélique
de cet âge, l’ame timide et neuve qui consacre
à l’objet de son choix les premiers sentimens
qu’elle ait jamais éprouvés. —
L’imagination de Corinne était tellement