AVANT de quitter Londres, lord Nelvil était
retourné chez son banquier, et quand il sut qu’aucune
lettre de Corinne n’était arrivée, il se demanda
avec amertume s’il devait sacrifier un
bonheur domestique, certain et durable, à une
personne qui peut-être ne se ressouvenait
plus de lui. Cependant il résolut d’écrire encore
en Italie, comme il l’avait déjà fait plusieurs
fois depuis six semaines, pour demander
à Corinne la cause de son silence, et pour
lui déclarer encore que, tant qu’elle ne lui
renverrait pas son anneau, il ne serait jamais
l’époux d’une autre. Il fit son voyage dans des
dispositions très-pénibles : il aimait Lucile presque
sans la connaître, car il ne lui avait pas entendu
prononcer vingt paroles ; mais il regrettait
Corinne, et s’affligeait des circonstances qui les
séparaient ; tour à tour le charme timide de
l’une le captivait ; et il se retraçait la grâce brillante,
l’éloquence sublime de l’autre. Si dans ce