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CORINNE OU L’ITALIE.

moment il avait su que Corinne l’aimait plus que jamais, qu’elle avait tout quitté pour le suivre, il n’aurait jamais revu Lucile, mais il se croyait oublié, et réfléchissant sur le caractère de Lucile et de Corinne, il se disait qu’un extérieur froid et réservé cachait souvent les sentimens les plus profonds : il se trompait. Les ames passionnées se trahissent de mille manières, et ce que l’on contient toujours est bien faible.

Une circonstance vint ajouter encore à l’intérêt que Lucile inspirait à lord Nelvil. En retournant dans sa terre il passa si près de celle qui appartenait à lady Edgermond, que la curiosité l’y conduisit. Il se fit ouvrir le cabinet où Lucile avait coutume de travailler. Ce cabinet était rempli par les souvenirs du temps que le père d’Oswald y avait passé près de Lucile pendant que son fils était en France. Elle avait élevé un piédestal de marbre à la place même où peu de mois avant sa mort il lui donnait des leçons, et sur ce piédestal était gravé : À la mémoire de mon second père. Enfin un livre était posé sur la table. Oswald l’ouvrit ; il y reconnut le recueil des pensées de son père, et sur la première page il trouva ces mots écrits par son père lui-même : À celle qui m’a consolé dans mes peines, à l’ame la plus pure, à la femme angélique qui