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CORINNE OU L’ITALIE.

Lucile dit alors tout haut : — Ô mon père, priez pour moi. — Corinne l’entendit, et se laissant aussi tomber à genoux, elle demanda la bénédiction paternelle pour les deux sœurs à-la-fois, et répandit des pleurs qu’arrachaient de son cœur des sentimens plus purs encore que l’amour. Lucile, continuant sa prière, prononça distinctement ces paroles : — Oh ! ma sœur, intercédez pour moi dans le ciel ; vous m’avez aimée dans mon enfance, continuez à me protéger. — Ah ! combien cette prière attendrit Corinne ! Lucile enfin, d’une voix pleine de ferveur, dit : — Mon père, pardonnez-moi l’instant d’oubli dont un sentiment ordonné par vous-même est la cause. Je ne suis point coupable en aimant celui que vous m’aviez destiné pour époux, mais achevez votre ouvrage, et faites qu’il me choisisse pour la compagne de sa vie : je ne puis être heureuse qu’avec lui ; mais jamais il ne saura que je l’aime ; jamais ce cœur tremblant ne trahira son secret. Oh, mon Dieu ! oh, mon père ! consolez votre fille, et rendez-la digne de l’estime et de la tendresse d’Oswald. — Oui, répéta Corinne, à voix basse exaucez-la, mon père, et pour l’autre de vos enfans une mort douce et tranquille. —

En achevant ce vœu solennel, le plus grand