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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/373

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CORINNE OU L’ITALIE.

vrir qu’une femme l’avait apportée. En effet, qui eût vu Corinne remettant cette lettre aurait senti qu’elle contenait le destin de sa vie. Ses regards, sa main tremblante, sa voix solennelle et troublée, tout annonçait un de ces terribles momens où la destinée s’empare de nous, où l’être malheureux n’agit plus que comme l’esclave de la fatalité qui le poursuit.

Corinne observa de loin le vieillard, qu’un chien fidèle conduisait : elle le vit donner sa lettre à l’un des domestiques de lord Nelvil, qui par hasard, dans cet instant, en apportait d’autres au château. Toutes les circonstances se réunissaient pour ne plus laisser d’espoir. Corinne fit encore quelques pas en se retournant pour regarder ce domestique avancer vers la porte, et quand elle ne le vit plus, quand elle fut sur le grand chemin, quand elle n’entendit plus la musique, et que les lumières mêmes du château ne se firent plus apercevoir, une sueur froide mouilla son front, un frissonnement de mort la saisit : elle voulut avancer encore, mais la nature s’y refusa, et elle tomba sans connaissance sur la route.