Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/386

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

térêt commun. On dirait que la ville est bâtie pour la guerre civile. Il y a des tours au palais de justice d’où l’on pouvait apercevoir l’approche de l’ennemi et s’en défendre. Les haines entre les familles étaient telles qu’on voit des palais bizarrement construits, parce que leurs possesseurs n’ont pas voulu qu’ils s’étendissent sur le sol où des maisons ennemies avaient été rasées. Ici les Pazzi ont conspiré contre les Médicis ; là les Guelfes ont assassiné les Gibelins, enfin les traces de la lutte et de la rivalité sont partout ; mais à présent tout est rentré dans le sommeil et les pierres des édifices ont seules conservé quelque physionomie. On ne se hait plus parce qu’il n’y a plus rien à prétendre, et qu’un état sans gloire comme sans puissance n’est plus disputé par ses habitans. La vie qu’on mène à Florence de nos jours est singulièrement monotone ; on va se promener toutes les après-midi sur les bords de l’Arno, et le soir l’on se demande les uns aux autres si l’on y a été.

Corinne s’établit dans une maison de campagne à peu de distance de la ville. Elle manda au prince Castel-Forte qu’elle voulait s’y fixer ; cette lettre fut la seule que Corinne écrivit, car elle avait pris une telle horreur pour toutes les actions communes de la vie, que la moindre