Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/390

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C’est dans cette cathédrale que Julien de Médicis a été assassiné ; non loin de là, dans l’église de Saint-Laurent, on voit la chapelle en marbre, enrichie de pierreries, où sont les tombeaux des Médicis et les statues de Julien et de Laurent, par Michel-Ange. Celle de Laurent de Médicis, méditant la vengeance de l’assassinat de son frère, a mérité l’honneur d’être appelée la pensée de Michel-Ange. Au pied de ces statues sont l’Aurore et la Nuit ; le réveil de l’une, et surtout le sommeil de l’autre, ont une expression remarquable. Un poëte fit des vers sur la statue de la Nuit, qui finissaient par ces mots : bien qu’elle dorme elle vit, réveille-la si tu ne le crois pas, elle te parlera. Michel-Ange qui cultivait les lettres, sans lesquelles l’imagination en tout genre se flétrit vite, répondit au nom de la Nuit :


Grato m’è il sonno e più l’esser di sasso.
Mentre che il danno e la vergogna dura,
Non veder, non sentir m’é gran ventura.
Però non mi destar, deh parla basso.[1]

  1. Il m’est doux de dormir, et plus doux d’être de marbre. Aussi long-temps que dure l’injustice et la honte, ce m’est un grand bonheur de ne pas voir et de ne pas entendre ; ainsi donc ne m’éveille point ; de grâce parle bas.