Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/405

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prend de son existence ; il peut y avoir erreur et illusion partout ailleurs.

Ce qui fait mon malheur surtout, c’est que lui seul me comprenait, et peut-être trouvera-t-il une fois aussi que moi seule je savais l’entendre. Je suis la plus facile et la plus difficile personne du monde ; tous les êtres bienveillans me conviennent comme société de quelques instans, mais pour l’intimité, pour une affection véritable, il n’y avait au monde qu’Oswald que je pusse aimer. Imagination, esprit, sensibilité, quelle réunion ! où se trouve-t-elle dans l’univers ? Et le cruel possédait toutes ces qualités, ou du moins tout leur charme !

Qu’aurais-je à dire aux autres ? à qui pourrais-je parler ? quel but, quel intérêt me reste-t-il ? Les plus amères douleurs, les plus délicieux sentimens me sont connus, et le pâle avenir n’est plus pour moi que le spectre du passé.

Pourquoi les situations heureuses sont-elles si passagères ? qu’ont-elles de plus fragile que les autres ? L’ordre naturel est-il la douleur ? C’est une convulsion que la souffrance pour le corps, mais c’est un état habituel pour l’ame.