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Ahi ! null’altro che pianto al mondo dura.
Pétrarque

« Ah ! dans le monde, rien ne dure que les larmes ! »

Une autre vie ! une autre vie ! voilà mon espoir ; mais telle est la force de celle-ci qu’on cherche dans le ciel les mêmes sentimens qui ont occupé sur la terre. On peint dans les mythologies du Nord les ombres des chasseurs poursuivant les ombres des cerfs dans les nuages ; mais de quel droit disons-nous que ce sont des ombres ? où est-elle la réalité ? Il n’y a de sûr que la peine, il n’y a qu’elle qui tienne impitoyablement ce qu’elle promet.

Je rêve sans cesse à l’immortalité, non plus à celle que donnent les hommes ; ceux qui, selon l’expression du Dante, appelleront antique le temps actuel, ne m’intéressent plus ; mais je ne crois pas à l’anéantissement de mon cœur. Non, mon Dieu, je n’y crois pas. Il est pour vous ce cœur dont il n’a pas voulu, et que vous daignerez recevoir après les dédains d’un mortel.

Je sens que je ne vivrai pas long-temps, et cette pensée met du calme dans mon ame. Il est doux de s’affaiblir dans l’état où je suis, c’est le sentiment de la peine qui s’émousse.