Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/409

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CHAPITRE VI.


LE prince Castel-Forte quitta Rome pour venir s’établir à Florence près de Corinne : elle fut très-reconnaissante de cette preuve d’amitié ; mais elle était un peu honteuse de ne pouvoir plus répandre dans la conversation le charme qu’elle y mettait autrefois. Elle était distraite et silencieuse ; le dépérissement de sa santé lui ôtait la force nécessaire pour triompher, même pour un moment, des sentimens qui l’occupaient. Elle avait encore en parlant l’intérêt qu’inspire la bienveillance ; mais le désir de plaire ne l’animait plus. Quand l’amour est malheureux, il refroidit toutes les autres affections, on ne peut s’expliquer à soi-même ce qui se passe dans l’ame ; mais autant l’on avait gagné par le bonheur, autant l’on perd par la peine. Le surcroît de vie que donne un sentiment qui fait jouir de la nature entière se reporte sur tous les rapports de la vie et de la société ; mais l’existence