Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/410

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est si appauvrie quand cet immense espoir est détruit, qu’on devient incapable d’aucun mouvement spontané. C’est pour cela même que tant de devoirs commandent aux femmes, et surtout aux hommes, de respecter et de craindre l’amour qu’ils inspirent, car cette passion peut dévaster à jamais l’esprit comme le cœur.

Le prince Castel-Forte essayait de parler à Corinne des objets qui l’intéressaient autrefois ; elle était quelquefois plusieurs minutes sans lui répondre, parce qu’elle ne l’entendait pas dans le premier moment, puis le son et l’idée lui parvenaient, et elle disait quelque chose qui n’avait ni la couleur ni le mouvement que l’on admirait jadis dans sa manière de parler, mais qui faisait aller la conversation quelques instans, et lui permettait de retomber dans ses rêveries. Enfin, elle faisait encore un nouvel effort pour ne pas décourager la bonté du prince Castel-Forte, et souvent elle prenait un mot pour l’autre, ou disait le contraire de ce qu’elle venait de dire ; alors elle souriait de pitié sur elle-même, et demandait pardon à son ami de cette sorte de folie dont elle avait la conscience.

Le prince Castel-Forte voulut se hasarder à lui parler d’Oswald, et il semblait même que Corinne prît a cette conversation un âpre