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CORINNE OU L’ITALIE.

Il se répétait sans cesse que personne ne l’aimerait jamais comme elle l’avait aimé, et qu’il serait puni, de quelque manière, de la cruauté dont il avait usé envers elle : il voulait partir pour l’Italie, la voir, seulement un jour, seulement une heure, mais déjà Rome et Florence étaient occupées par les Français, son régiment allait s’embarquer, il ne pouvait s’éloigner sans déshonneur ; il ne pouvait percer le cœur de sa femme et réparer les torts par les torts et les douleurs par les douleurs. Enfin il espérait les dangers de la guerre, et cette pensée lui rendit du calme.

Ce fut dans cette disposition qu’il écrivit au prince Castel-Forte la seconde lettre, que celui-ci résolut encore de ne pas montrer à Corinne. Les réponses de l’ami de Corinne la peignaient triste, mais résignée ; et comme il était fier et blessé pour elle, il adoucit plutôt qu’il n’exagéra l’état de malheur où elle était tombée. Lord Nelvil crut donc qu’il fallait ne pas la tourmenter de ses regrets après l’avoir rendue si malheureuse par son amour, et il partit pour les îles avec un sentiment de douleur et de remords qui lui rendait la vie insupportable.