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CORINNE OU L’ITALIE.

qui devaient la porter elle et sa fille assurèrent qu’il n’y avait rien à craindre. Lucile regarda lord Nelvil, elle vit qu’il se moquait de la peur qu’on voulait leur faire, et de nouveau blessée par ce courage, elle se hâta de déclarer qu’elle voulait partir. Oswald ne s’aperçut pas du sentiment qui avait dicté cette résolution, et suivit à cheval le brancard sur lequel étaient portées sa femme et sa fille. Ils montèrent assez facilement. Mais quand ils furent à la moitié de la plaine qui sépare la montée de la descente un horrible ouragan s’éleva. Des tourbillons de neige aveuglaient les conducteurs, et plusieurs fois Lucile n’apercevait plus Oswald, que la tempête avait comme enveloppé de ses brouillards impétueux. Les respectables religieux qui se consacrent, sur le sommet des Alpes, au salut des voyageurs, commencèrent à sonner leurs cloches d’alarme, et bien que ce signal annonçât la pitié des hommes bienfaisans qui le faisaient entendre, ce son en lui-même avait quelque chose de très-sombre, et les coups précipités de l’airain exprimaient mieux encore l’effroi que le secours.

Lucile espérait qu’Oswald proposerait de s’arrêter dans le couvent et d’y passer la nuit ; mais comme elle ne voulut pas lui dire qu’elle le désirait, il crut qu’il valait mieux se hâter d’arriver avant la fin du jour ; les porteurs de