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CORINNE OU L’ITALIE.

On venait d’apprendre la mort d’Alfiéri, et c’était un deuil général pour tous les Italiens qui voulaient s’enorgueillir de leur patrie. Lord Nelvil croyait voir partout l’empreinte de la tristesse ; il ne reconnaissait plus l’impression que l’Italie avait produite jadis sur lui. L’absence de celle qu’il avait tant aimée désenchantait à ses yeux la nature et les arts. Il demanda des nouvelles de Corinne à Turin ; on lui dit que depuis cinq ans elle n’avait rien publié, et vivait dans la retraite la plus profonde ; mais ou l’assura qu’elle était à Florence. Il résolut d’y aller, non pour y rester et trahir ainsi l’affection qu’il devait à Lucile, mais pour expliquer du moins lui-même à Corinne comment il avait ignoré son voyage en Écosse.

En traversant les plaines de la Lombardie Oswald s’écriait : — Ah ! que cela était beau quand tous les ormeaux étaient couverts de feuilles, et quand les pampres verts les unissaient entre eux ! — Lucile se disait en elle-même : — C’était beau quand. Corinne était avec lui. — Un brouillard humide, tel qu’il en fait souvent dans ces plaines traversées par un si grand nombre de rivières, obscurcissait la vue de la campagne. On entendait pendant la nuit, dans les auberges, tomber sur les toits ces pluies