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CORINNE OU L’ITALIE.

Le lendemain matin son inquiétude le conduisit de très-bonne heure chez le prince Castel-Forte. — Hé bien, lui dit-il, qu’a-t-elle répondu ? — Elle ne veut pas vous voir, répondit le prince Castel-Forte. — Et quels sont ses motifs ? — J’ai été hier chez elle, et je l’ai trouvée dans une agitation qui faisait bien de la peine. Elle marchait à grands pas dans sa chambre, malgré son extrême faiblesse. Sa pâleur était quelquefois remplacée par une vive rougeur qui disparaissait aussitôt. Je lui ai dit que vous souhaitiez de la voir, elle a gardé le silence quelques instans, et m’a dit enfin ces paroles que je vous rendrai fidèlement, puisque vous l’exigez. — C’est un homme qui m’a fait trop de mal. L’ennemi qui m’aurait jetée dans une prison, qui m’aurait bannie et proscrite, n’eût pas déchiré mon cœur a ce point. J’ai souffert ce que personne n’a jamais souffert, un mélange d’attendrissement et d’irritation qui faisait de mes pensées un supplice continuel. J’avais pour ce cruel autant d’enthousiasme que d’amour. Il doit s’en souvenir, je lui ai dit une fois qu’il m’en coûterait davantage de ne plus l’admirer, que de ne plus l’aimer. Il a flétri l’objet de mon culte, il m’a trompée volontairement ou involontairement, n’importe, il n’est