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CORINNE OU L’ITALIE.

pas celui que je croyais. Qu’a-t-il fait pour moi ? Il a joui pendant près d’une année du sentiment qu’il m’inspirait, du charme que j’avais dans l’esprit ; et quand il a fallu me défendre, et quand il a fallu manifester son cœur par une action, en a-t-il fait une ? peut-il se vanter d’un sacrifice, d’un mouvement généreux ? Il est heureux maintenant, il possède tous les avantages que le monde apprécie ; moi je me meurs, qu’il me laisse en paix. —

Ces paroles sont bien dures, dit Oswald. — Elle est aigrie par la souffrance, reprit le prince Castel-Forte : je lui ai vu souvent une disposition plus douce ; souvent, permettez-moi de vous le dire, elle vous a défendu contre moi. — Vous me trouvez donc bien coupable, reprit lord Nelvil, — Oserais-je vous le dire, dit le prince Castel-Forte, je pense que vous l’êtes. Les torts qu’on peut avoir avec une femme ne nuisent point dans l’opinion du monde ; ces fragiles idoles adorées aujourd’hui peuvent être brisées demain, sans que personne prenne leur défense, et c’est pour cela même que je les respecte davantage ; car la morale, à leur égard, n’est défendue que par notre propre cœur. Aucun inconvénient ne résulte pour nous de leur faire du mal, et cependant ce mal est affreux.