Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/490

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
486
CORINNE OU L’ITALIE.

dame n’a pas voulu me le dire. — Lord Nelvil ne répondit plus, et s’éloigna pour cacher son attendrissement. Il ordonna que tous les jours, pendant la promenade de Juliette, on la menât chez Corinne ; et peut-être eût-il tort envers Lucile en disposant ainsi de sa fille sans son consentement. Mais, en peu de jours, l’enfant fit des progrès inconcevables dans tous les genres. Son maître d’italien était ravi de sa prononciation. Ses maîtres de musique admiraient déjà ses premiers essais.

Rien de tout ce qui s’était passé n’avait fait autant de peine à Lucile que cette influence donnée à Corinne sur l’éducation de sa fille. Elle savait par Juliette que la pauvre Corinne, dans son état de faiblesse et de dépérissement, se donnait une peine extrême pour l’instruire et lui communiquer tous ses talens, comme un héritage qu’elle se plaisait à lui léguer de son vivant. Lucile en eut été touchée, si elle n’eût pas cru voir dans tous ces soins le projet de détacher d’elle lord Nelvil ; mais elle était combattue entre le désir bien naturel de diriger seule sa fille, et le reproche qu’elle se faisait de lui enlever des leçons qui ajoutaient à ses agrémens d’une manière si remarquable. Un jour lord Nelvil passait dans la chambre comme Ju-