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CORINNE OU L’ITALIE.

fauteuil. Il fallut la soutenir pour qu’elle pût avancer. Sa démarche était chancelante. Elle s’arrêtait de temps en temps pour respirer, et l’on eût dit que ce court espace était un pénible voyage. Ainsi les derniers pas de la vie sont toujours lents et difficiles. Elle s’assit, chercha des yeux à découvrir Oswald, l’aperçut, et, par un mouvement tout-à-fait involontaire, elle se leva, tendit les bras vers lui, mais retomba l’instant d’après, en détournant son visage, comme Didon lorsqu’elle rencontre Énée dans un monde où les passions humaines ne doivent plus pénétrer. Le prince Castel-Forte retint lord Nelvil, qui, tout-à-fait hors de lui, voulait se précipiter à ses pieds ; il le contint par le respect qu’il devait à Corinne en présence de tant de monde.

Une jeune fille vêtue de blanc et couronnée de fleurs parut sur une espèce d’amphithéâtre qu’on avait préparé. C’était elle qui devait chanter les vers de Corinne. Il y avait un contraste touchant entre ce visage si paisible et si doux, ce visage où les peines de la vie n’avaient encore laissé aucune trace et les paroles qu’elle allait prononcer. Mais ce contraste même avait plu à Corinne. Il répandait quelque chose de serein sur les pensées trop sombres de son ame abattue.