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CORINNE OU L’ITALIE.

empire très-despotique sur mes actions ; elle avait une manière de me dire : — Sûrement vous vous conduirez ainsi, sûrement vous ne ferez pas telle démarche, qui me dominait tout-à-fait ; il me semblait que je perdrais toute son estime pour moi, si je trompais son attente, et j’attachais du prix à cette estime, témoignée souvent avec des expressions très-flatteuses.

Cependant, Corinne, croyez-moi, car je le pensais même avant de vous connaître : ce n’était point de l’amour que le sentiment que m’inspirait madame d’Arbigny ; je ne lui avais point dit que je l’aimais ; je ne savais point si une telle belle-fille conviendrait à mon père ; il n’était point dans ses idées que j’épousasse une Française, et je ne voulais rien faire sans son aveu. Mon silence, je le crois, déplaisait à madame d’Arbigny : car elle avait quelquefois de l’humeur dont elle faisait toujours de la tristesse, et qu’elle expliquait après par des motifs touchans, bien que sa physionomie, dans les momens où elle ne s’observait pas, eût quelquefois beaucoup de sécheresse ; mais j’attribuais ces instans d’inégalité à nos rapports ensemble, dont je n’étais pas content moi-même : car cela fait mal d’aimer un peu, et de ne pas aimer tout-à-fait.

Ni le comte Raimond ni moi nous ne nous